
Le minaret symbolique posé sur le toit de la mosquée turque de Wangen, près d'Olten, inauguré en 2009 (source: Wikimedia)
Le gouvernement ainsi que la majorité du Parlement recommandaient de refuser l’initiative. De même, l’Eglise catholique romaine et les Eglises réformées (protestantes) l’avaient rejetée. Même parmi les Eglises évangéliques, les principales organisations faîtières s’étaient opposées à l’initiative. Ce n’est certes pas la première fois qu’un vote populaire en Suisse va à l’encontre des recommandations des grandes organisations politiques et religieuses; mais l’affaire des minarets est particulièrement frappante par la netteté du résultat sur un sujet sensible (un taux de participation de plus de 50% est considéré en Suisse comme très bon, puisque le peuple est appelé à s’exprimer au moins une fois par trimestre), souligne le site de référence suisse Religioscope. Extraits:
« Concrètement, que va maintenant signifier l’acceptation de cette initiative? Il existe quatre minarets en Suisse, ceux-ci demeureront bien sûr en place. En revanche, il sera impossible de construire de nouveaux minarets. Dissipons aussi un malentendu: le nouvel article constitutionnel interdit uniquement la construction de minarets. La création de mosquées et lieux de prière musulmans reste possible comme par le passé, de même que l’exercice du culte islamique.
Certaines formations politiques annoncent déjà leur intention de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme, à Strasbourg: c’est ce qu’a par exemple annoncé le président du parti des Verts (écologiste). On peut aussi imaginer qu’un groupe musulman fasse recours à Strasbourg contre l’interdiction de construire un minaret dans un lieu précis. Cela dit, même s’il y aurait des arguments permettant de condamner la Suisse dans un tel cas, rien ne permet de préjuger de la décision que prendrait le Cour dans une affaire de ce genre, à en juger par ses décisions sur différentes questions impliquant des dimensions religieuses.
Derrière le refus de la construction du minaret s’expriment bien entendu des interrogations et craintes quant à l’islam: le minaret est le symbole autour duquel celles-ci sont venues se cristalliser – symbole présenté comme celui d’une volonté de domination politique par les partisans de l’initiative, qui ont toujours pris soin de dire que leur projet ne portait pas atteinte à la liberté religieuse, puisque les mosquées peuvent très bien exister sans minaret. Loin de se limiter à la question précise du minaret, le débat a largement porté sur l’islam en général. Pour résumer, le minaret a été transformé en marqueur de l’islamisation de la Suisse.
Une surprise est provoquée par l’écart considérable entre les résultats du vote d’aujourd’hui et les estimations des instituts de sondage. Cela met fortement en cause le caractère fiable de tels sondages quand ils touchent à des questions sur lesquelles certaines catégories de votants ont le sentiment d’être en désaccord avec la majorité des élites dirigeantes et des médias, et seront donc réticents à faire part de leurs convictions réelles sur un sujet sensible. Quand le parlementaire UDC Oskar Freysinger déclarait dans un entretien accordé au téléjournal romand, entretien enregistré quelques heures avant les résultats, qu’un vote pour l’initiative (auquel il ne croyait pas encore vraiment) serait une véritable désaveu pour tout l’establishment (politiques, Eglises, médias), il visait juste. Et cela pose de sérieuses questions sur le fossé entre cet establishment et la population, surtout quand l’on constate que les services gouvernementaux eux-mêmes n’avaient pas vu venir le résultat.[…] Lire: Quelles ont été les raisons de voter pour l’interdiction de la construction de nouveaux minarets?
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