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antisémitisme, Génocide

A Istanbul, il est de bon ton d’affirmer que la Turquie a sauvé de nombreux Juifs du nazisme. L’historienne turque Ayse Hür balaie ce mythe

« ]Selahattin Ülkümen [consul de Turquie à Rhodes, qui en 1944 a sauvé des Juifs de la déportation et a par la suite été élevé au rang de “juste”]

« L’un des mythes nationaux les plus populaires, chez nous, en Turquie, repose sur la croyance selon laquelle des diplomates turcs auraient sauvé des milliers de Juifs condamnés à une mort certaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui permet à bon nombre de Turcs de s’enorgueillir de la leçon d’humanité que leur pays aurait ainsi donnée au monde. Mais cela s’est-il vraiment passé ainsi ? », remarque l’historienne Ayse Hür dans un article paru dans le journal Taraf et traduit du turc par Courrier International (16 mai 2008). Extraits:
« […] Pendant toutes les années de guerre, la Turquie – qui est restée neutre jusqu’à fin février 1945 – a constitué l’un des rares territoires européens, avec l’Espagne, où les Juifs pouvaient espérer échapper au nazisme. Mais il est rapidement apparu que cette porte de sortie n’était pas la plus sûre. L’épisode du Salvador l’a très vite démontré. Cette embarcation, qui avait été conçue pour transporter un maximum de 40 passagers mais qui transportait 342 Juifs fuyant une Roumanie marquée par d’effroyables massacres, arriva à Istanbul le 12 décembre 1940. Il était clair que ce cercueil flottant n’était pas en mesure d’aller beaucoup plus loin. Il n’en fut pas moins forcé par les autorités turques de poursuivre sa route. Les conséquences d’une telle décision ne se sont pas fait attendre : pas moins de 219 corps furent repêchés le lendemain au large de Silivri [à une soixantaine de kilomètres à l’ouest d’Istanbul], où le bateau avait été pris dans une violente tempête. Les morts furent enterrés au cimetière juif de Silivri. Et 63 des 123 rescapés furent expulsés vers la Bulgarie, tandis que les autres furent embarqués à bord du Darien II pour rejoindre la Palestine. “Tuez-nous si vous voulez, mais ne nous renvoyez pas”. […] Dans le droit fil de cette politique, les citoyens turcs juifs adultes furent forcés de faire leur service militaire dans des unités particulières, où “par précaution” on ne leur confiait pas d’arme et où ils devaient effectuer des travaux pénibles, selon le modèle qui fut appliqué aux Japonais des Etats-Unis internés à la même époque parce que considérés comme une “cinquième colonne”. Ces mêmes Turcs juifs furent ensuite soumis, à partir de 1942, à un “impôt sur la fortune”. Ceux qui refusèrent de payer cet impôt furent envoyés dans des camps de travail à Askale [nord-est de l’Anatolie].
[…] L’historienne et turcologue allemande Corrina Guttstadt a eu l’occasion d’aborder ce sujet dans un article récemment publié dans la revue d’histoire sociale Toplumsal Tarih.
Plaçant les Juifs apatrides et les Juifs polonais au plus bas de leur échelle de valeur, les nazis les ont envoyés en priorité dans les camps de concentration. Les Juifs citoyens de pays neutres tels que la Turquie ont par contre, en général, pu échapper aux arrestations et à la déportation.
Au moins jusqu’en 1943, un document attestant de la citoyenneté turque pouvait ainsi constituer une sorte de bouée de sauvetage. Pour autant, la version selon laquelle Behiç Erkin, en poste à Paris et ensuite à Vichy, aurait sauvé 20 000 Juifs en distribuant des documents d’identité turque relève de la fable. Ces documents de routine étaient distribués par les consulats turcs, en échange du passeport, aux citoyens turcs résidant à l’étranger dans le but de les contrôler. Les Juifs, qui avaient beaucoup de mal à les obtenir, étaient en fait obligés de se les procurer au marché noir.
Entre 1941 et 1944, la Turquie, plutôt que d’accueillir de nouveaux citoyens, a surtout procédé à des annulations de citoyenneté pour 3 500 citoyens turcs vivant à l’étranger au prétexte qu’“ils [n’avaient] pas participé à la guerre d’indépendance” [1919-1922] ou qu’“ils [n’avaient] plus pris contact avec un consulat turc depuis cinq ans”. Or il apparaît que l’écrasante majorité des personnes concernées étaient juives. Le 17 juin 1942, c’est-à-dire lorsque le diplomate Behiç Erkin était en poste en France, la police française chargée des rafles de Juifs s’adressa aux responsables nazis pour savoir comment elle devait traiter les 150 Juifs turcs internés dans le camp de Drancy, “qui [attendaient] toujours de se voir reconnaître la citoyenneté turque par le consulat de Turquie”. Les autorités consulaires turques répondirent que “ces individus [n’étaient] pas des citoyens turcs”, ce qui les condamna à être déportés vers les camps d’extermination ! En février 1943, les autorités consulaires turques en France n’ont reconnu la citoyenneté turque qu’à 631 Juifs turcs sur une liste de 3 036 noms fournie par les autorités allemandes et n’ont octroyé in fine un visa d’entrée pour la Turquie qu’à 114 d’entre eux. Même les Allemands furent surpris par une telle attitude. Bref, Behiç Erkin n’a pas sauvé, comme on le prétend, 20 000 Juifs, mais seulement 114.
Quant au deuxième Schindler turc, Necdet Kent, qui a prétendu avoir sauvé 80 Juifs turcs sur le point d’être embarqués dans des trains par la Gestapo à la gare Saint-Charles de Marseille, son récit suscite bon nombre d’interrogations. Necdet Kent ne donne ni noms ni dates. Il prétend avoir reçu du courrier de Juifs qu’il aurait réussi à sauver, mais il n’a jamais été en mesure de citer leurs noms, au motif qu’il aurait égaré les lettres. […]
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Discussion

3 réflexions sur “A Istanbul, il est de bon ton d’affirmer que la Turquie a sauvé de nombreux Juifs du nazisme. L’historienne turque Ayse Hür balaie ce mythe

  1. Vos sources sont trop faibles… et malheureusement, les affirmations, en histoire, ne sont pas suffisantes!
    [EuropaPax: Le commentaire de « Rémy » avec une adresse mail sous le nom de « patrick santrique » est posté depuis l’adresse IP 88.235.97.109 domicilié en Turquie (Istanbul). Il s’abrite derrière un pseudo européen et a pour but de semer la confusion dans le sens des thèses négationnistes d’Etat]

    Publié par Rémy | 25 novembre 2009, 07:16
    • L’historienne Ayse Hür est une référence en Turquie.
      La turcologue Corry Gutstadt a publié une étude détaillée sur le comportement du gouvernement turc envers ses citoyens juifs pendant la Shoah. Cela lui a permis de mener des recherches sur un chapitre de l’histoire du vingtième siècle qui avait jusqu’alors été quasiment négligé par la recherche internationale sur la Shoah. Elle révèle dans un interview que la Turquie a mené pendant la Shoah une politique de dénaturalisation des Juifs de Turquie émigrés en Europe. Le gouvernement d’Ankara, allié de l’Allemagne nazie, voulait ainsi contrer l’afflux massif de Juifs turcs vers la Turquie et il a utilisé l’instrument de la dénaturalisation de masse comme moyen de l’empêcher. Cette politique s’est révélée fatale pour les 25 000 à 30 000 Juifs d’origine turque qui vivaient en Europe, et en France particulièrement. Le Collectif VAN vous propose la traduction d’une interview en anglais, parue sur le site de qantara.de [Dialogue avec le monde musulman].
      Lire: Interview avec Corry Guttstadt Lundi 1er juin 2009 | « La Turquie, les Juifs et l’Holocauste »

      Publié par webeditor | 25 novembre 2009, 09:27
  2. 02 Dec 15, 2012 7:02 pm I should exmanie with you here. Which is just not somethingI often do! I determine pleasure from reading a publish that canmake folks think. Also, thanks for permitting me to remark!

    Publié par Elena | 1 avril 2014, 01:24

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